Le Pont au Change, vieille sentinelle

Historique
Dès le IXème siècle, sous le règne de Charles le Chauve, un pont à vocation défensive permettait à cet endroit de traverser la Seine et de se protéger des incursions fluviales. On l’appelait alors le « Grand Pont », nom qu’il gardera jusqu’en 1141. Au XIIème, les premiers changeurs (banquiers) s’y retrouvent, ce qui donnera le nom de Pont au Change. A la même époque, l’ouvrage est doublé par un autre pont, légèrement en amont, une simple passerelle qui sert de point d’attache à plusieurs moulins – portés par des embarcations – utilisant l’énergie hydraulique du courant. De ce fait, il est appelé pont aux moulins ou pont aux meuniers. Le pont aux meuniers s’effondre en 1596 entraînant la mort de 150 personnes. Reconstruit par un certain Marchant, la nouvelle construction disparaîtra cette fois dans les flammes quelques années plus tard entraînant avec lui le Pont au Change. Le nouveau pont financé par les changeurs et autres corporations (le roi participe également au financement du projet) est achevé en 1647, il offre une largeur assez unique à l’époque, 32,60 m, et possède 7 arches – dont 6 sur la Seine – portant 80 maisons à plusieurs étages disposées alternativement en saillie et en retrait.

Pont au Change 1752
La Joute des mariniers entre le Pont-Notre-Dame et le Pont-au-Change par Raguenet (1752)

Une fonction à la fois festive et dramatique
Le pont est employé pendant longtemps par les cortèges royaux (en route par exemple vers l’Abbaye Royale de Saint Denis) mais également par plusieurs souverains pour effectuer de glorieuses entrées dans la capitale. On raconte qu’en 1389, un funambule génois aurait tendu son fil entre une tour de la Cathédrale et une maison du pont… Le pont est également utilisé pour des événements moins gais. C’était en effet la voie empruntée par les condamnés à mort depuis le palais de justice vers le grand Chatelet (l’ancien cachot et la morgue de Paris) et la place de Grève (actuelle place de l’hôtel de ville), lieu de leur exécution. Sur les trottoirs du pont – les maisons avaient été détruites entre 1786 et 1788 – furent également exposés 300 cadavres des prisonniers exterminés au Châtelet et à la Conciergerie lors d’un épisode de la Terreur.
Le pont au XIXème et au XXème

Le Pont en 1854
Le Pont en 1864

L’actuel pont fut reconstruit de 1858 à 1860 sous la direction de Paul Vaudrey, Edmond-Jules Romany et Paul-Martin de Lagalisserie. Le Pont au-Change est reconstruit dans l’axe même de la place du Châtelet et du boulevard du Palais. L’ouverture à la circulation est faite le 15 août 1860. Long de 103 m, large de 30 avec une chaussée de 18 m et deux trottoirs de 6 m, il est porté par 3 arches de maçonnerie elliptiques de 31 m d’ouverture. Au-dessus des piles parées de pierres provenant de l’ancien édifice sont taillés des « N » napoléoniens inscrits dans une couronne de laurier comme sur le pont Saint-Michel.
Comme nombre de ses voisins, le Pont au Change fut le témoin d’affrontements très violents lors de Libération de Paris en 1944. Il inspira notamment à Robert Desnos son vibrant poème Le Veille du Pont au Change.
(…) Je suis le veilleur du Pont-au-Change
Ne veillant pas seulement cette nuit sur Paris,
Cette nuit de tempête sur Paris seulement dans sa fièvre et sa fatigue,
Mais sur le monde entier qui nous environne et nous presse.
Dans l’air froid tous les fracas de la guerre
Cheminent jusqu’à ce lieu où, depuis si longtemps, vivent les hommes (…)

Vue du Pont au Change
Le pont vu depuis le pont d’Arcole

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